Le cadre théorique de l'analyse de pratique.
Modèles d'observation de l'activité (humaine) :
- La théorie de l’énaction pour comprendre le processus d’apprentissage dans l’action
Le paradigme de l’énaction a été proposé par les neurobiologistes Humberto MATURANA et Francisco VARELA en 1989. Le concept de l’énaction s’oppose à l’idée d’un environnement objectif dans lequel les acteurs s’adapteraient, avec plus ou moins d’efficacité. Dans cette théorie, l’environnement est subjectif et propre à chaque acteur qui l’énacte. En d'autres termes, l'acteur, par son activité, fait émerger son propre environnement.
Le concept de l’énaction repose sur le fait que l’action et la situation sont profondément liées, sont couplées, "elles se définissent l’une et l’autre au sein d’une activité globale adaptative des acteurs dans leur environnement " (Leblanc, activités 2008). Celui-ci, où le flux d’interactions est permanent, amène, d’une part, l’acteur à se transformer à travers l’intégration de données issues du milieu et, d’autre part, à modifier le milieu par son action, son comportement.
Selon Leblanc (2008), il y a connaissance chaque fois que nous adoptons un comportement approprié dans un contexte donné. La connaissance apparaît donc comme la résultante d’un traitement cognitif permanent par le sujet, issu de sa faculté de compréhension de la situation dynamique et de son traitement de manière efficace. Autrement dit, l'action humaine est décomposée en tâches suivant un schéma précis : analyse de l’environnement, choix de la réponse parmi un répertoire d’actions, production de l’action. La description de ce processus d'apprentissage est donc capital à la compréhension des choix d'actions effectués par un acteur et de l'émergence de nouvelles connaissances .
Toutefois, le visionnage d’une vidéo (fût elle la sienne propre) semble sortir de ce cadre théorique, l’observateur voit agir mais il n’agit pas, nous ne sommes donc plus dans l’instantanéité de l’action lors du visionnement. Néanmoins il nous semble important que les formateurs (tuteurs) en charge de remodeler la ou les connaissances lors des entretiens d’auto-confrontation simple appréhendent le processus d’apprentissage chez un acteur en situation de classe et c’est à ce propos que nous citons la théorie de l’énaction.
- La conscience pré-réflexive
Le second présupposé est que l’activité s’accompagne d’une conscience pré-réflexive. Y. Clot, professeur de psychologie du travail, délimite l’activité non pas dans ce que l’activité a d’observable ou d’effectuée mais davantage sur le « réel de l’activité ». Ce qui différencie donc, pour lui, l’action de l’activité, c’est que l’activité qu’il désigne de « réelle » « recouvre tout ce qui anime le professionnel dans l’exercice de son métier, alors que l’action, c'est-à-dire ce qui est réalisé, ne relève qu’une partie de cette activité réelle » (Y. Clot cité par Ruelland-Roger 2005 p.116).
L’entretien d’auto-confrontation simple vise précisément à mettre au jour les ressorts de l’action, autrement dit, l’activité cognitive qui la détermine et qui n’est pas directement observable : « il est à priori impossible de connaître l’activité cognitive d’un acteur de l’extérieur, c'est-à-dire, à partir de données d’observation et d’enregistrement de son comportement » (Theureau,2010) . Néanmoins, selon le même auteur, « l’hypothèse de la conscience pré-réflexive » rend possible (à condition de réunir les conditions favorables) de « commenter son activité et ses composantes à un observateur » s’engageant avec lui dans une enquête sur son activité. Cette enquête produit le récit de la conscience pré-réflexive de l’acteur. Cette description des apparences offre, d’une part à l’acteur, la possibilité de passer de l’acte à la verbalisation et d’autre part, elle offre, à l’observateur, une perspective, celle de l’accès à la conscience pré-réflexive de l’acteur pour décrypter son organisation interne via l'expression même de son expérience. Si la description de cette expérience donne un accès à la compréhension de ce qui organise l'activité, cette description ne peut se faire qu'à posteriori, au risque de venir ruiner l'activité de l'enseignant. La technologie vidéo, semble offrir non seulement les garanties nécessaires à une captation fiable de l'activité mais offre également la possibilité d'une description de l'activité à posteriori : «l’acteur accède, à l’instant t+1, aux traces de son activité, enregistrée à l’instant « t », et à la conscience pré-réflexive associée à son activité de l’instant « t » par une remise en situation dynamique lors du visionnage » (Durand, 2008). Ainsi, outre la théorie de l’énaction qui présuppose que l'action est source de connaissance, le postulat de la conscience pré-réflexive est pertinent pour reconstruire la dynamique de l’activité et décrire ainsi le processus d'apprentissage d'un acteur.
L'énaction, à vous!
Tiens donc une activité pour définir l'activité. A vous !
Répondez par vrai ou faux aux affirmations suivantes :
"Echo en retour"
Faux
Consulter l'indice si ce n'est pas déjà fait.
"Echo en retour"
Faux
Consulter l'indice si ce n'est pas déjà fait.
"Echo en retour"
Vrai
Consulter l'indice si ce n'est pas déjà fait.
Savoirs processus :
Le savoir processus est, selon la définition de Michel Grangeat & Munoz (2011):
- " Une unité élémentaire des systèmes de pensées qui contribuent à guider les actions des individus ". (Gangeat & Munoz, 2011 p. 7)
- " Une représentation des unités constitutives du modèle opératif, regroupant le but de l'action, l'indice qui la déclenche, la (ou les) règle(s) d'action mise(s) en oeuvre et les connaissances qui justifient, à la fois, l'action et les choix réalisés en cours d'action.(Gangeat & Munoz, 2011 p. 7).
"Cette unité élémentaire est un savoir car elle possède une valeur explicative pour chaque acteur et peut être explicitée à un tiers (p. ex. : collègue, formateur, chercheur). Elle concerne le processus car elle vise le déroulement de l’action, son inscription dans un temps et un espace" (Grangeat; 2009 p. 42).
Le savoir processus est constitué de quatre éléments :
- l'indice, qui déclenche l'action chez l'enseignant que l'on observe.
- le but de l'action.
- la ou les règles d'actions, c'est à dire, comment est-ce que l'enseignant s'y prend pour atteindre son but.
- la connaissance mobilisée pour justifier sa stratégie d'action.
"Ces éléments sont accessibles aux acteurs puisqu'ils ont une compréhension implicite de leur vécu, et notamment des choix qu’ils effectuent" (Grangeat 2011 p. 7) . Cette conscience, que l'on peut qualifier de pré-réflexive, fait que l'activité peut être montrée, racontée et commentée." (Theureau & Donin, 2006) cité par Grangeat 2011 p. 7).
Grangeat et Munoz proposent une méthode globale permettant d'expliciter le "modèle opératif" de l'enseignant, alimenté par des savoirs processus, à partir de pratiques enseignantes vidéoscopées. Durant cette formation, nous ne rechercherons pas à identifier le modèle opératif de l'enseignant stagiaire que vous tutorez.. Toutefois, nous souhaitons nous appuyer sur leur méthode car elle permet de "comprendre les logiques d'actions [...] qui peuvent expliquer l'origine des pratiques professionnelles" (Grangeat & Munoz, 2011 p.3) et de repérer le savoir processus ou plus précisément ses quatre éléments . En cela, cette méthode permet de préparer et structurer l'entretien d'auto-confrontation, par des relances objectives, afin qu'il ne soit pas le siège (seulement) d'une intuition. Il n'est pas question ici de demander à l'enseignant de se justifier sur ses actions mais de lui permettre d'informer le tuteur de ce qui l'a poussé à faire et ce, par un questionnement et un jeu de relance approprié.
NB : Un document outil :"Grille d'analyse et de soutien à l'auto-confrontation" figure au point 6 - Auto-formation- (onglet à gauche de l'écran).
Reprenons : le processus du savoir !
scénario : Vous observez une situation de classe par le biais d'une séquence vidéo proposée par l'enseignant stagiaire que vous accompagnez. Pour rappel (cf.théorie de l'énaction) cette situation se déroule au sein d'un environnement dans lequel l'acteur évolue et qu'il modifie au gré de ses actions, ses actions étant elles-mêmes influencées par cet environnement . En tant que tuteur, aguerri aux techniques d'analyse de pratiques, vous souhaitez permettre à un tuteur novice de cerner les ressorts d'une action au sein d'une pratique.
Replacer dans un ordre chronologique les différents éléments ci-dessous qui vous permettront de reconstituer le savoir processus soutenant l'action observée.
Bravo ! Cet ordre vous permet effectivement d'identifier le savoir processus sous-jacent à une action. Mieux encore, puisque ces éléments vont permettre à l'acteur de raconter son vécu. Vous l'avez compris, nous allons saisir cette opportunité, moyennant les conditions de l'entretien d'auto-confrontation, pour décrypter les déterminants de l'action et ce,par une technique de relance que nous aborderons prochainement.
Encore quelques lacunes... Replongez-vous dans les éléments théoriques ci-dessus.
Identifier un élément constitutif du savoir processus.
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