Méthodes d'analyse de l'activité professionnelle par la vidéo
Méthodes d’observations de l’activité humaine :
L’entretien d'auto-confrontation (simple) :
Introduit par Von Cranach (Theureau, 2010), l’entretien d’auto-confrontation a été élaboré pour permettre la documentation de l’activité humaine. Il vise à renseigner « l'expérience ou conscience pré-réflexive ou encore la compréhension immédiate du vécu de l'acteur, à chaque instant de son activité » (Theureau, 2002).
Dans le cadre de l’enseignement, l’acteur est alors invité à revivre au travers de la vidéo à commenter sa propre activité en classe, une enquête sur cette activité est menée de manière individuelle et guidée par un formateur qui doit permettre la mise en mots de l’activité, de son ressenti, de sa pensée, à un instant « t » de la situation. Pour cela, le formateur aide l’enseignant à décrire ses préoccupations (« Qu’est-ce que tu cherches à faire à ce moment-là ? »), ses perceptions (« À quoi fais-tu attention, qu’est-ce que tu regardes ? »), ses émotions (« Qu’est-ce que tu ressens à cet instant de la vidéo ?).
Les verbalisations dans un entretien d’auto-confrontation simple doivent permettre de récolter le détail du comportement ainsi que la complexité des choix faits par l’acteur en cours d’action, l'activité enseignante est donc autre chose que la simple application d’une planification de savoirs à transmettre et pensée en amont de l’action. L'action est « continue, imprévisible, complexe, diverse, singulière et contraint l’enseignant à faire des choix dans l’urgence de manière permanente entre les possibles qui s’offrent à lui » (Theureau & Sève ; 2012 p.18). La méthode permet à l’acteur de rappeler les stimulis du choix et d’en questionner l’efficience et la pertinence.
Citons Pastré (xxxx date introuvable sur le texte) pour étayer notre choix : " Un point très intéressant est d’observer ce qui se passe en termes d’apprentissage après l’action, notamment dans les situations de debriefing, quand les acteurs sont amenés à revenir rétrospectivement sur leur activité pour chercher à la mieux comprendre. Une recherche sur l’apprentissage de la conduite de centrales nucléaires sur simulateur (Pastré, 2005) a montré que, lorsqu’ils sont soumis à des situations critiques, les apprenants perdent dans l’action la maîtrise des événements. Il leur arrive souvent d’agir à contretemps; ils ont le sentiment d’être embarqués dans une dynamique qui leur échappe. On a organisé, après l’action, des entretiens d’auto-confrontation, où les apprenants ont eu la possibilité de réinterpréter l’épisode qu’ils avaient vécu à l’aide de traces de leur propre activité. On s’est alors rendu compte que cet apprentissage après l’action était finalement plus important que l’apprentissage au cours d’action. En effet, les acteurs ne sont plus soumis au stress des événements. Comme ils savent désormais comment les choses se sont terminées, ils peuvent reconstituer l’intrigue de l’épisode, en repérant les enchaînements de causalité qui les ont conduits à l’issue qu’ils connaissent. Bref, ils reconstituent le sens de l’événement pour eux et réalisent ainsi l’apprentissage qu’ils n’ont pas pu faire totalement pendant l’action ".
Enfin, ces apports théorique sur l'auto-confrontation (simple) seront complétés par l'éclairage d'un enseignant chercheur lors de la prochaine phase de formation (D3) puis il vous sera demandé de vous exercer à cet atelier méthodologique en (D4) au sein de l'établissement d'exercice de l'enseignant stagiaire que vous tutorez..
Allo-confrontation, méthode d'analyse progressive et comparative :
Nous retenons la définition de serge Leblanc (2012) pour définir l’allo-confrontation :
" Dans une situation type allo-confrontation, les enseignants en formation sont invités, individuellement ou collectivement, à voir et à commenter l’enregistrement vidéo d’une activité qu’ils pratiquent mais qui est effectuée par un autre enseignant, sans que ce dernier ne soit présent ".
L’allo-confrontation permet de démarrer facilement la formation professionnelle car elle est perçue comme peu intrusive. Elle peut être exploitée […] de manière individuelle et/ou collective » (Leblanc, 2012). L’allo-confrontation nous apparaît ici non seulement être une méthode complémentaire mais préalable à l’auto-confrontation simple. En effet, elle s’inscrit d’une part dans un « processus progressif de professionnalisation » (Leblanc 2012) et d’autre part elle peut engendrer une analyse réflexive sur sa pratique.
Ce type de situation peut être propice, dans le cadre d’une analyse de l’activité, à l’expression de ses propres difficultés lorsque celle-ci sont identifiées, tout en respectant le degré d’exposition que les enseignants stagiaires souhaitent donner à leur intervention devant le tuteur ou face à un groupe de pairs et de tuteurs. Ainsi, cette mise au-devant de la scène à « dose homéopathique » contribue fortement à la naissance d’un climat de confiance entre les pairs et supprime l’inconfort ou le choc que peut susciter l’image de soi à soi et aux autres, notamment lorsqu’on peut être le sujet de l’analyse, comme c’est le cas lors de l’analyse de pratique mobilisant des méthodes d’auto-confrontation. « Progressivement, la confiance, créée par ce changement de perception de leurs difficultés, les déculpabilise, atténue leur sentiment d’incompétence et ouvre un espace de parole dans lequel ils acceptent spontanément et de manière authentique de livrer une partie de leur propre vécu en écho aux extraits filmiques» (Leblanc, 2011).
Ces observations de pairs inconnus conduisent parfois à identifier des pratiques efficaces dont ils n’avaient pas connaissance et qu’ils peuvent s’approprier pour perfectionner leur pratique. Bien sûr, il est nécessaire que ces pratiques n’apparaissent pas comme un modèle à suivre mais comme un exemple de pratiques parmi d’autres. Ces confrontations peuvent être alors vécues comme des expériences professionnalisantes, une analyse de la pratique réflexive au travers d’un « processus de validations / invalidations » (Leblanc, 2011), des situations observées mais aussi d’enrichissement de son répertoire d’actions. Son utilisation, dans le cadre de la professionnalisation des enseignants stagiaires, nous semble donc pertinente. La vidéoscopie collective des pairs, en plaidant pour la dédramatisation des situations dites « difficiles », est importante à cette entrée dans le métier. Enfin, l’allo-confrontation nous semble être une richesse dans ce qu’elle peut révéler de la pluralité des situations d’enseignements. Cela à condition que ces analyses collectives rassemblent une diversité qui soit la plus large possible, que ce soit en termes de discipline ou dans la pluralité des établissements. D’ailleurs, il convient de considérer ces derniers plus seulement comme des lieux de scolarisation mais aussi comme des lieux de formation et d’application permettant l’expérimentation du métier par l’enseignant novice (au sein d'un collectif).
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